Lorsqu’en 1958, Hans Magnus Enzensberger, qui vient de publier son premier recueil de poèmes intitulé Défense des loups, part à Stockholm pour rendre visite à la poétesse juive allemande Nelly Sachs, aucun des deux ne pouvait se douter que cette rencontre allait être le début d’une longue amitié et d’une relation intense de travail commun.

A priori, rien ne rapproche ce jeune intellectuel de 29 ans et l’exilée quasi septuagénaire : leurs modes de vie et leurs formes d’écriture semblent diamétralement opposées. Et pourtant, malgré ces différences, tous deux ressentent le besoin d’articuler le passé et le présent par la poésie. Alors que Sachs, menant une vie retirée, tente de donner une voix aux victimes mais aussi aux survivants de la Shoah et développe un langage nouveau inspiré par le mysticisme juif, Enzensberger ne rate aucune occasion de donner son avis publiquement et apparaît comme un critique ironique, polémique et parfois aussi agressif de la tendance au refoulement de la jeune République fédérale d’Allemagne. L’exposition virtuelle est un projet réalisé sous la direction de Valérie Leyh et Vera Viehöver dans le cadre du séminaire de recherche approfondie en littérature allemande. Il s’inscrit également au sein du projet ARC intitulé « Genèse et actualité des humanités critiques – France–Allemagne, 1945–1980 ». L’exposition reconstruit la constellation « Enzensberger/Sachs » et l’interprète comme une relation dont l’importance dépasse la dimension privée : les efforts d’Enzensberger, visant à donner une nouvelle « patrie » à l’œuvre de Nelly Sachs au sein de la prestigieuse maison d’édition Suhrkamp ainsi qu’à construire de nouvelles relations littéraires internationales après la Seconde Guerre mondiale, tirent leur origine du constat que la « plaie Auschwitz » est encore béante.

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